Entre nature et culture
Avec
Mehun-sur-Yèvre dans le Cher, Valençay et La Châtre dans l’Indre, Sancerre est
l’un des quatre « Plus Beaux Détours » du Berry. A 318 mètres d’altitude, la ville a
le charme de ses dénivelés, de ses pierres médiévales et de sa proximité avec
l’eau. En bordure de Loire, elle domine ses terres dans le val laitier et
viticole d’où elle tire deux AOC de renom, source d’inspiration infinie et
d’énergie renouvelable pour un grand nombre d’activités locales. Gastronomie,
musique, peinture, mode : Sancerre cultive l’art de vivre propre à sa
position géographique privilégiée.
Epicentre
isolé d’un pays de collines à la frontière nivernaise, en rive gauche du
« Patouillat » (la Loire), Sancerre s’admire de tous les côtés. Proie
des chercheurs d’images et des peintres impressionnistes, le piton se donne
idéalement à voir depuis les hauteurs qui l’entourent. De L’Orme au Loup, par
exemple, ancienne carrière à silex, on le trouve à moitié village côté vignes,
à moitié boisé côté fleuve.
C’est du sport
Pentu,
Sancerre est un défi lancé aux sportifs à en juger par les différentes épreuves
qui le prennent d’assaut chaque année. Le mythique Bourges-Sancerre, pour
commencer, qui se déroule en février dans des conditions climatiques souvent
éprouvantes, depuis plus de 60 ans. Organisé par les Cyclotouristes Berruyers, ce
parcours de longue haleine réunit chaque année son millier de randonneurs de
l’extrême, sur le parvis de la cathédrale Saint-Etienne pour le départ donné, comme le veut la tradition, à minuit. En
running, les vignerons et leurs partenaires ont fait un carton en juin 2012
avec le premier « Trail de Sancerre ». Deux boucles aux noms
évocateurs, la Fillette et la Magnum, ont emmené 800 coureurs à
travers les hameaux et les chemins de vigne. L’expérience, réitérée en 2013,
devrait désormais faire partie des rendez-vous annuels. La Menetou-Sancerroise, quant à elle, se frotte au piton en juillet : le tracé de la 4ème édition a grimpé jusqu’à l’esplanade Porte-César et les participants ont pu rouler dans les ruelles pittoresques de la ville. Course cycliste et rallye
automobile, également : toutes disciplines confondues, la butte de Sancerre
est toujours digne de conquêtes !
Un peu d'histoire
Sa configuration stratégique a fait bien des jaloux, autrefois. Poste de guet naturel et terres alluviales fertiles : il n’en fallait pas moins, d’une époque à l’autre, pour exciter les passions des princes. Des conquêtes, il y en a donc eu, mais d’un autre genre ! Un bastion féodal est en place au point culminant, dès le 9ème siècle, alors qu’en bas de la colline, le village de Saint-Satur prospère autour de son église abbatiale. Au 12ème, le territoire est un comté dont hérite Etienne de Champagne : une forte tête qui fait la guerre à toute sa famille, ceinture la ville d’une épaisse muraille, s’autoproclame premier comte de Sancerre et frappe ses monnaies. Il fonde ainsi une lignée qui règnera jusqu’en 1419 : Louis, maréchal et connétable de France qui s’illustra durant la guerre de Cent Ans, en fut l’un des descendants.
Des personnages ont continué à
émailler la chronologie locale de leurs faits d’arme, ou d’âme. En 1534, Jean-Michel,
un bénédictin réformé, prône les idées de Calvin et les protestants affluent
sur le monticule pour y trouver refuge. Le village est converti quinze ans plus
tard. Il s’oppose alors au monarque. En
1573, six mois après le massacre parisien de la Saint-Barthélémy, la forteresse
huguenote endure sept mois d’un siège qui l’affame et la soumet finalement à la
couronne catholique. L’édit de Nantes signé, un nouveau temple se construit en
1610 au niveau de l’actuelle rue du Vieux-Prêche. Le prince de Condé, moins
tolérant, rejette bientôt le culte hors-les-murs, à Henrichemont. Un mauvais
calcul car le bourg pâtit gravement de leur départ : les
« parpaillots » étaient aussi des marchands.
« Citadelle rebelle »
Il est encore question de révolte
meurtrière en 1796 : un soulèvement royaliste, conduit par l’officier Le
Picard de Phélippeaux et Antoine Buchet, curé de Jalognes, se dresse contre les
troupes révolutionnaires lors de la « Vendée Sancerroise », une
chouannerie berrichonne, que commémorent plusieurs calvaires érigés dans les
environs. A lire sur cette ville de caractère : la publication de
Florence Semence, écrivain et recherchiste du Pays Fort : « Sancerre,
citadelle rebelle » (2013, de A à Z Editions).
La ferveur religieuse a
toujours agité la ville, qui regorgeait d’églises au Moyen-âge. De la plus archaïque,
vouée à Saint-Romble sur son ermitage, il reste un pan de mur à flanc de
coteau, en contrebas de la tour des Fiefs. Elevée au 14ème siècle, cette
tour est, quant à elle, l’ultime survivante du château seigneurial, démantelé
avec les remparts après le siège protestant. Accessible aux visiteurs, elle ouvre
un immense panorama sur le paysage ligérien à ceux qui auront gravi ses 195
marches. C’est une pièce maîtresse du Sancerre monumental, avec le beffroi, édifié
au 16ème siècle. Symbole du pouvoir des échevins, ce-dernier fut
intégré à l’église Notre-Dame par la suite en guise de clocher. Vingt-six autres
points d’intérêt architectural sont à découvrir en suivant le « Fil
d’Ariane » tracé au sol en rouge, comme une veine d’histoire à travers les
ruelles.
Le
patrimoine de Sancerre et sa gastronomie d’origine contrôlée sont l’alpha et
l’oméga de sa fréquentation touristique, principal moteur de son économie depuis
que son tissu administratif et commercial s’est effrité. Sous-préfecture
jusqu’en 1926, Sancerre a fermé son tribunal d’instance en 2009 après
redistribution des cartes dans le jeu juridique du département. Certes, l’activité
est saisonnière, calquée sur le rythme des vignes. Face aux devantures vides et
aux rigueurs climatiques, l’agenda festif est néanmoins rempli de janvier à
décembre. L’attachement au territoire, réel
pour un certain nombre d’habitants, est certainement la meilleure raison qu’ils
invoquent pour ne pas aller voir ailleurs s’ils y sont.
Sancerre, par le « menu »
Le
« potentiel » évoqué doit beaucoup au fromage de chèvre (voir
l’encart) et à la vigne, qui fait corps avec Sancerre depuis toujours. Dès le 6ème
siècle, Grégoire de Tours, évêque et historien, mentionne son vin en termes
élogieux. Il existe de très anciens domaines, comme celui de Joseph Mellot, fondé
en 1513 par son aïeul César, sommelier de Louis 14. Dans sa totalité, le
vignoble sancerrois couvre 2770 hectares sur 14 communes : d’un bout à
l’autre, les terres blanches, caillottes et profondeurs argilo-silicieuses
expriment toutes les nuances des cépages sauvignon et pinot noir, le premier
étant majoritaire avec une occupation à 70 % de la surface plantée.
Les
vignerons tiennent Sancerre dans leurs mains, mais n’y règnent pas sans
partage : par le biais de leur syndicat, ils ont doté la ville d’une salle
de spectacle, les Caves de la Mignonne, et d’une vitrine, la Maison des
Sancerre : deux adresses devenues incontournables pour ce qui relève de l’animation.
La vigne est également une matière créative pour les professionnels du
bien-manger. La charcuterie Jeampierre prépare notamment un jambon typique fumé
aux sarments, tandis que la pâtisserie Emorine incorpore la boisson dans ses
croquets. Elle perpétue aussi une recette de gâteau à la pâte d’amande :
le lichou, moelleux carré, breveté en 1933 par son inventeur, Emile Ragu,
souvenir d’un temps où l’on a cultivé l’amandier. Quant aux chefs cuisiniers,
il ne leur viendrait pas à l’esprit d’écarter la dive-bouteille ni les crottins
de Chavignol de leurs menus.
On s’y rend chèvre
Hameau
de Sancerre depuis la fin du 18ème siècle, Chavignol se niche dans
une « cuvette » aux versants abrupts plantés de vignes « mythiques »,
les meilleures, semble-t-il, du sancerrois. C’est pourtant le crottin de chèvre
qui a fait mondialement connaître son nom. Ce-dernier évoque le
« crot », un « trou » humide dans les vallons du Berry, où
l’on récoltait jadis de l’argile pour fabriquer des moules pour lampes à huile.
Lumineux, ce morceau de terroir ? Depuis l’obtention de l’AOC en 1976 et de
l’AOP vingt ans plus tard, le crottin est en tous cas reconnu par les
spécialistes de produits locaux, fins et forts en goût typé. Jeune, bleuté ou
affiné, il se fait uniquement au lait cru entier de chèvres alpines, s’égoutte
sur un linge puis en faisselle. Légèrement salé, il est ensuite entreposé pour
vieillir et monter en saveurs. La chèvre est le pilier nourricier des fermes
traditionnelles du pays dès le 16ème siècle. Au 19ème ,
tandis que les vignes sombrent sous les attaques de phylloxera, les pâtures
prospèrent et la production laitière augmente, installant les domaines
fromagers aux côtés des exploitations viticoles. Vin et crottin cohabitent aussi
bien dans l’espace qu’en bouche. Chavignol est en outre un bourg charmant,
étroit et tortueux, rempli d’adresses gourmandes.
AOC : Appellation
d’Origine Contrôlée (label national)
AOP : Appellation
d’Origine Protégée (label européen).
Article original: Sabine Sauvage, paru dans le magazine La Bouinotte, juin 2012.
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